La coupe du monde 2014 vient de se terminer. Le lieu de celle-ci fut le Brésil et l'histoire annoncée était celle de la victoire des Dieux du foot : les brésiliens. Le sport appartient désormais à la société du spectacle et chaque évènement est scénarisé à l'avance dans l'imaginaire pour faire du buzz. Or, dans la mythologie populaire les brésiliens sont définis comme les dieux du football. La croyance est que n'importe quel joueur des rues peut-être un champion en devenir. C'est vrai que pour ceux qui ont trainé le long des plages d'Ipanema comme moi, ils ont pu être admiratifs devant la dextérité de la jeunesse brésilienne qui peut jongler pendant plus de 20 min à plusieurs sans laisser tomber la balle au sol. Pour ma part, je suis incapable de jongler avec une balle et après cinq minutes d'un tel effort dans le sable, j'ai l'impression de cracher mes poumons!
Le Brésil a gagné cinq coupes du monde, loin devant les autres : Comme éléments de comparaison, l'Allemagne, avant celle-ci, n'en avait gagné que 3 et les Pays bas, pourtant souvent dans les phases finales, aucune. La France en a gagné qu'une en 1998.
L'aura autour de l'équipe du Brésil est forte. Pour la plus part des personnes, il suffit d'aligner onze brésiliens pour avoir la meilleure équipe au monde. Le Brésil est la machine à fantasmes du football. De ce fait, toutes l'organisation était tournée vers cette victoire qui devait consacrer à domicile ce pays qui a généré tant de joueurs hors normes : Pelé, Zico, Socrates, Ronaldo, etc.
On a observé entre les matchs et avant chaque match beaucoup d'émotions, de pleurs et de recueillements (David Luiz priait notamment à chaque match). Il a même fallu l'intervention en urgence d'une psychologue pour aider les joueurs à gérer leurs émotions. On a assisté à une "hystérisation" de la préparation de chaque match.
Cependant, cette coupe du monde a été marquée par "l'échec" de l'équipe du Brésil qui a reçu une déculotté mémorable contre l'Allemagne en demi finale et une cuisante défaite face aux Pays-Bas lors de la finale des perdants. Pourtant cette même équipe a gagné brillamment l'année précédente la coupe de la confédération. De ce fait, si la composition de l'équipe a souvent été critiqué (absence d'un bon avant-centre et d'un grand gardien) ainsi que l'insuffisance technique de l'équipe, il est difficile de dire que cette équipe était mauvaise. On a vu comment le désir, la volonté, l'engagement ont sublimé des équipes que l'on n'attendait pas à ce niveau (Costa Rica, Colombie, Chilie, Algérie, etc.) et qui ont évincé de grandes nations du football (Espagne, Angleterre, Italie, Portugal, etc.). Alors pourquoi cela n'a pas été possible pour le brésil?
Aussi, malgré que je ne sois pas un grand spécialiste du football et que je ne connais pas personnellement les joueurs brésiliens, je m'autorise toutefois à quelques hypothèses psychologiques.
En effet, on peut se demander si le poids de l'histoire, du désir collectif et de l'attente du monde entier sur cette équipe et sur ces hommes n'a pas été trop lourd. Ce poids semblent avoir entraver ces jeunes joueurs et les a empêcher de se sublimer face au regard du monde. En fait, ces joueurs n'étaient apparemment pas des héros ni des dieux du stade mais peut-être simplement des hommes.
Peut-être que la construction de cette équipe s'est faite en s'appuyant sur "la naissance" de chacun et non pas sur la construction d'un collectif et d'un groupe comme cela semble avoir été le cas pour les Allemands.
Le football moderne a beaucoup évolué depuis l'époque mythique de Pelé. Il ne suffit pas d'avoir des qualités intrinsèques propre à chaque joueur pour gagner, il est nécessaire de travailler collectivement pour développer une intelligence de groupe. Ce n'est plus qu'un seul joueur qui peut faire gagner une équipe mais l'action d'un groupe qui pèse sur le jeu. Neymar le brésilien a pu un temps donner l'illusion de la force de son équipe, mais heureusement il s'est probablement blessé à temps pour ne pas être trop meurtri par la désolation finale. L'argentine s'est beaucoup appuyé sur Messi qui a fait illusion au début de la coupe du monde et qui a disparu au fur et à mesure des phases finales pour, semble-t-il, être un peu humilié par le titre de meilleur joueur de la coupe du monde alors que beaucoup d'autres ont brillé bien plus (Robben, Rodrigues, etc.).
Et après:
Le mythe est cassé. Chaque joueur tout comme le Brésil et sa fédération de football sera confronté à la question existentielle concernant la façon de digérer de se reconstruire et de repartir face à un tel cataclysme. Le mythe est cassé. Nous savons dorénavant que les Brésiliens ne sont que des hommes qui jouent au football avec leurs doutes, leur fragilité et leurs émotions. L'annonce de leurs origines n'impressionnera plus. Ils le savent aussi. Ils vont être confronté à un choix:
- Soit de ruminer ce désastre, l'humiliation de la défaite contre l'Allemagne, la blessure de Neymar qui les a empêché de gagner le titre selon certaines croyances, etc.
- Soit se reconcentrer sur le présent.
Le premier choix ne fera qu'ouvrir la blessure et augmenter la souffrance au risque d'empêcher les joueurs de retrouver leur niveau, de les exclure du football de haut niveau et d'augmenter leur souffrance.
Le deuxième choix est le seul qui peut les amener vers de la paisibilité et les aider à continuer à cheminer dans l'élite du football. La thérapie ACT constitue la thérapie de choix pour ce travail. L'ACT est la thérapie de l'acceptation et de l'engagement (thérapie comportementale ou cognitive dite de troisième vague) :
- Tout d'abord se détacher des résultats, de la réussite et de la performance pour se reconcentrer sur les valeurs. Ce qui leur donnera de la force, ce n'est pas ce qu'ils ont fait ou feront mais ce qu'ils sont. Accueillir et accepter ce qui est arrivé pour pouvoir négocier le présent.
- Ne pas se laisser happer par les pensées hameçons qui amèneront chacun dans la rumination au risque que le passé vienne polluer le présent.
- Rire afin de prendre de la distance avec cette événement. C'est la technique de Zorba le Grec qui rigole à la fin du film face à sa terrible débandade pour danser le sirtaki sur la plage. Parce que malgré son terrible raté, il reste de la place pour faire ce qu'il aime : danser. danser lui permet de se reconnecter au plaisir de l'instant. Cette défaite n'est pas grave (aucun joueur n'est mort), elle est juste frustrante, désagréable, inconfortable, etc. Il est nécessaire de donner sa juste importance à cet évènement.
- Ne pas se laisser polluer et attraper par les médias qui vont tenter de gratter cet évènement pendant de nombreuses années afin de faire du buzz et du papier.
Tout d'abord, face aux médias, il est préférable pour ces joueurs d'assumer : oui cela a été une débandade!, afin d'éviter les justifications qui ne feront que générer des bâtons pour mieux se faire battre.
Ensuite, cultiver une belle indifférence face à toutes questions liées à cet évènement: l'objectif est de rester bien ancré dans le présent.
Utiliser la technique de Cyrano de Bergerac qui exagère et image son nez. Cette posture a comme effet de mettre les rieurs de son coté et de couper court à la moquerie.
Nourrir un spectacle dans le présent afin d'happer les médias sur celui-ci pour ne pas qu'ils restent focaliser sur ce passé.
L'objectif de tout cela est de se concentrer sur le présent pour continuer son chemin. Les actions du présent prépare le futur de ces joueurs. Pour cela, le passé doit être ranger au passé dans la bibliothèque des aléas de la vie de chaque joueur, pour ne plus polluer le présent. Pour cela, il est nécessaire de densifier son présent afin d'être pris par lui et pour raccourcir la phase de transition afin que ces professionnels soient prêt lors de leur retour dans leur club. La façon dont chacun gèrera cet évènement sera une opportunité de progresser au sein de l'école de la vie.