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17 septembre 2023 7 17 /09 /septembre /2023 20:14

Le staff de l’équipe de France de rugby, par l’intermédiaire de son entraineur Fabien Galthié, a opéré un changement sémantique déterminant dans la façon d’appréhender le collectif d’une équipe national. Elle a échangé le mot « remplaçant » par « Finisseur ». Ce changement dans le vocabulaire pour nommer une partie de l’équipe de France a reconditionné l’identité et le rôle de chacun. Désormais, il n’y a plus l’équipe Une, glorifiée car débutant le match, et des roues de secours afin de terminer le match au mieux. Ce changement de terminologie informe que tous les temps d’un match sont importants et nécessitent une stratégie adaptée en termes de moyens et d’hommes. Si l’on veut être champion du monde, il est nécessaire d’être bon de la première à la dernière minute et que chacun se sente considéré et utile dans le projet collectif, en se libérant de toute rivalité, envie ou jalousie. D’ailleurs, est-ce que ce facteur n’a pas été à l’origine de la mise à l’écart du toulonnais Baptiste Serin qui se serait bien vu comme demi de mêlée numéro un et non pas comme un joueur comme un autre ? C’est ce que ma tête me raconte. Et vous ?

Ce changement d’identité a repositionné tous les joueurs du groupe France comme des acteurs égaux d’un collectif. Il en est de même pour ceux qui n’ont pas été retenus car ils savent qu’ils peuvent revenir dans la boucle à tout instant selon les blessures. Le groupe passe avant les individualités, les valeurs avant les envies de chacun.  A travers l’intention que porte ce terme, il se dit que tout le monde à un rôle à jouer essentiel et respectable dans le projet commun. En gardant certains joueurs blessés ou en faisant revenir des joueurs blessés met en évidence des valeurs comme la fidélité, la confiance et l’appartenance, ce qui solidifie le groupe France. Gagner la coupe du monde n’est plus un projet individuel de personnes qui ont eu l’opportunité d’être sélectionnés mais le projet de tous. Les héros ne seront pas les individus mais le collectif. Fabien Galthié en est le chef d’orchestre.

Nous les thérapeutes ACT, nous connaissons bien ce levier que nous utilisons régulièrement pour aider nos patients à changer de perspectives et à s’engager vers ce qui compte pour eux. Il s’agit de la théorie des cadres relationnels (TCR).

La théorie des cadres relationnels s’appuie sur l’utilisation du langage comme levier du changement. Le langage est un comportement appris qui crée des relations entre les choses. En jouant avec le langage, il est possible de modifier les relations et de changer la perception d’une expérience interne ou externe à l’individu. Elle a été développée par Steven Hayes et elle a été à l’origine de la thérapie ACT. Matthieu Villatte l’a développé à travers son célèbre livre « maitriser la conversation clinique ». Pour l’expliquer simplement, imaginez que je prends une photo de moi. Si je l’encadre avec un cadre de supermarché cela ne procure pas le même rendu que si j’utilise un cadre Louis IV. Il en est de même avec les mots que l’on choisit d’utiliser dans sa communication. Selon les mots utilisés cela ne donne pas le même rendu émotionnel. Par exemple si je dis qu’une situation (par exemple casser sa voiture, rater son examen) est grave, je signifie à mon cerveau émotionnel qu’il y a un risque pour ma survie. Par conte si je qualifie la même situation qu’elle est embêtante ou désagréable cela ne procure pas le même ressenti émotionnel et la même réaction.

 

En échangeant le mot « remplaçant » par « Finisseur », Fabien Galthié a fait de la TCR et a modifié le cadre et le ressenti de ses joueurs. Bien joué ! Allez les Bleus.

Matthieu Villate et al : Maitriser la conversation clinique. Ed Dunod

Steven Hayes : Un esprit libéré. Ed De Boeck

 

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