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30 juin 2023 5 30 /06 /juin /2023 08:33

La situation sociale de notre société m’inquiète. Via le prisme des graves difficultés que nous rencontrons, en tant que soignants, dans l’exercice de notre métier, je me pose la question de la venue d’un point de rupture qui fera s’effondrer tout la société pour nous projeter dans un chaos.

En effet, j’observe une population de plus en plus avide au plaisir et à la consommation, sans aucun arbitrage moral. Le lien social est nourri par des comportements de revendication : le droit à se soigner, à s’éduquer, à être protéger, à se loger, à travailler, à bénéficier de service, etc. Autant de droits louables et qui répondent à des besoins réels mais qui sont exprimés d’une façon qui ne tient pas compte de la nécessité d’un compromis social qui permet un lien bienveillant entre les individus. Celui qui ne répond pas immédiatement à ce droit risque la vindicte collective et d’être enfermés dans des jugements désobligeants, ouvrant la porte à de l’agressivité, voire à de la violence. Les médecins sont devenus des salauds de riches lorsqu’ils demandent qu’au moins leurs rémunérations suivent l’évolution du coût de la vie, les enseignants des faignants car ils ont des temps de « vacances » sans les élèves sans que l’on prenne conscience de ce qu’ils font pour préparer leurs cours, les maires sont tous pourris, les policiers sont des violents et des criminels en puissance, etc.

  • Certains patients vont chez le médecin avec leur liste de course et n’hésite pas à voler des objets dans les salles d’attente ou les agresser.
  • Les maires se font menacer et agresser (cf. maire de Saint Brévin)
  • L’exemple des boutiques Shein est effarant. On sait que cette entreprise pollue et maltraite ses ouvriers et pourtant, de nombreuses personnes qui militent pour les droits de l’homme et l’écologie se précipitent pour se gaver, sans scrupule, uniquement parce qu’ils ressentent l’envie et le besoin de consommer, de leurs produits.

De l’autre côté, l’administration est enlisée dans un château kafkaïen de procédures qui, de loi en loi, sclérose certains métiers. Du fait du poids des contraintes administratives, il devient de plus en plus difficile d’exercer son métier. Elle transforme les soignants en employés de santé ou les enseignants en employés de l’éducation national. La tentation du contrôle a gangréné nos instances qui s’agitent comme quelqu’un qui est tombé dans un sable mouvant.

Ubu est devenu roi de l’administration. Par exemple, faute d’être écoutés et d’avoir pu signer une convention, de plus en plus de médecins généralistes vont augmenter unilatéralement le tarif de leurs consultations de 25 à 30 euros. La CPAM menace ces médecins de sanctions et notamment de les déconventionner s’ils persistent dans leur choix. Or, ces mêmes médecins ont eux-mêmes menacés de de se déconventionner s’ils ne sont pas entendus ! L’absurde gouverne les relations des professionnels avec l’administration qui pompe comme des Shadocks !

Entre la population et l’administration se trouvent des professionnels qui doivent essayer de répondre aux demandes, pas toujours raisonnables, pas toujours possibles, suivre les injonctions paradoxales de l’Etat, tout en essayant de garder leur éthique et leur professionnalisme :  les soignants, les policiers, les agriculteurs, le médico-social et les enseignants. Entre le marteau de la revendication et de la demande (je veux et j’ai le droit), et l’enclume des règles et de la comptabilité, beaucoup de ces professionnels sont soit :

  • En burn out. La moitié des médecins sont actuellement dans un épuisement professionnel.
  • Soit quitte le navire. Les jeunes médecins ne veulent plus s’installer. L’éducation nationale n’arrive plus à recruter. De nombreux médecins partent à l’étranger, déplaquent pour exercer un autre métier ou se protègent dans des fonctions administratives qui les éloignent du soin.
  • Soit passe à l’acte. Ces professions ont un taux de suicide deux fois supérieurs à la population nationale.

Lorsque les médecins essaient d’expliquer les problèmes qu’ils rencontrent, l’injustice du tarif de leur consultation qui a diminué de 50 % par rapport à l’évolution du smic, et pourquoi ils n’ont pas signé la dernière convention, ils ne reçoivent que des propos de haine ou font face à de nouvelles lois de plus en plus absurdes et coercitives, venant entraver l’acte de soin. Ces professionnels ont à gérer des demandes en double lien, source de souffrance au travail : soigner et éduquer mais suivez toutes ces règles qui vous empêches d’exercer votre art.

Je me pose donc beaucoup de question sur les conséquences de ce point de rupture où il va être de plus en plus difficile de se soigner, d’éduquer ses enfants et de vivre dans un monde de justice. Qui se préoccupe de toutes ces personnes insatisfaites par la réponse que l’on fait à leur demande et qui se préoccupe de ces professionnels en souffrance. Comment toutes ces personnes vont réagir et vers quoi ils vont se tourner pour se faire entendre ? Je crains une évolution vers la violence et une résolution dictatoriale.

Le point de rupture est-il celui qui fait s’écrouler toute civilisation ? On a besoin en urgence de fraternité et de bienveillance pour pouvoir à nouveau collaborer et reconstruire un compromis social.

 

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