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30 janvier 2017 1 30 /01 /janvier /2017 11:50
Troubles psychiques directement lié à la pratique d'une activité physique intense

 

Le risque addictif

La possibilité d’une action de l’exercice physique et de l’entraînement physique sur la neurochimie cérébrale a été envisagée en prenant comme base les effets comportementaux de l’exercice musculaire.

Tout d’abord, il a été montré que des rats entraînés régulièrement et intensément à un exercice physique aérobique dans des roues pouvaient à certains moments préférer sauter un repas que de manquer de temps pour faire leur exercice physique[i]. Il est même possible de créer un modèle d’anorexie mentale chez la rate en utilisant l’exercice physique[ii].

Une autre étude animale a montré que des rats entraînés présentaient un syndrome de manque à la cocaïne plus important que des rats non entraînés ce qui les rend plus vulnérable à une conduite addictive[iii]. Ces mêmes auteurs ont pu créer ainsi, sans aucune intervention pharmacologique, un modèle de dépendance à l’effort physique chez le rat. Les rats vulnérables à une dépendance à l’activité physique présentent une réaction plus intense aux amphétamines. D’autre part, des rats consommateurs de cocaïnes diminuent de façon significative leur consommation lorsqu’ils ont accès à une activité physique sur des roues. Cette diminution est significativement plus importantes chez des femelles que chez des mâles (Cosgrove et al). Le système glutamatergique semble participer à ces phénomènes addictifs.

 

Les troubles du comportement alimentaires (TCA)

L'anorexie mentale est la principale contre-indication psychiatrique à la pratique du sport lors du bilan psychologique annuel. Les sports d'endurance (vélo et course à pied) peuvent engendrer, chez des personnes prédisposées et au dessus d'un certain volume d'entrainement, une anorexie mentale avec des préoccupations corporelles, des distorsions cognitives et des préoccupations alimentaires. La diminution du volume d'effort permet le plus souvent un retour en arrière. Les filles sont plus vulnérables (15 à 65%) que les garçons (5 à 15%) à cette décompensation même si la prévalence de troubles du comportement alimentaire est plus importante chez les coureurs que dans la population générale.

Dans le cas d'activités physiques où la composante esthétique est importante, comme la danse[iv], la gymnastique ou la natation synchronisée, on peut retrouver une augmentation de la prévalence des troubles du comportement alimentaire. Dans le cas de la pratique de la danse, elle touche principalement les filles en formation car les professionnelles ont de véritables compétences dans la gestion de leur corps et de leur alimentation qui les protègent. Par contre, on peut observer des réactions temporaires anorectiques ou compulsives lors d'un stress. Ces troubles touchent essentiellement les filles ce d'autant que la pratique de ces sports concerne des athlètes beaucoup plus jeunes que dans d'autres sports dont le corps, le psychisme et la gestion des émotions est en construction alors qu'elles sont confrontées à des charges d'entrainements volumineuses et à une instrumentalisation de leur corps importante[v].

Le vrai risque au niveau des troubles du comportement alimentaire concerne la pratique d'une activité physique hors structure. Une bonne partie des situations sont des personnes qui souffrent d'anorexie mentale et qui instrumentalisent la pratique physique dans le cadre du symptôme d'hyperactivité de l'anorexie et pour rationnaliser leur trouble. Un certain nombre décompense sous la forme d'un TCA une pratique sportive trop volumineuse et mal encadrée dans un contexte de trouble de la personnalité.

La boulimie et les compulsions alimentaires se retrouvent notamment chez les filles qui sont dans un contrôle excessif de leur corps, de leur alimentation et qui ne laissent pas assez de place à l'expression de leurs émotions. Face à la tension que génère la pratique sportive pour atteindre des objectifs, tout évènement de vie riche, frustrant ou entravant peut être l'occasion d'une réaction absurde par une ingestion alimentaire afin de s'apaiser, se réconforter ou s'occuper. Le risque est la chronicisation de celui-ci comme fausse bonne solution de régulation de son intériorité.

L'orthorexie est un trouble du comportement alimentaire flirtant avec la pathologie que l'on retrouve fréquemment chez les athlètes pratiquant notamment des sports aérobiques. Il s'agit d'une vision rigide de la nourriture associée à des croyances plus ou moins rationnelles dans le but d'avoir une alimentation la plus "pure" et la plus "saine" possible dans un corps "sain". Si l'orthorexie ne pose pas de problème en soit, ce comportement est à suivre afin de dépister toute décompensation vers un trouble du comportement alimentaire plus grave notamment à l'occasion d'une tension ou d'une situation éprouvante.

Anorexie reverse ou bigorexie

L'anorexie mentale concerne surtout des filles qui ont le sentiment d'occuper trop de place dans l'espace. L'anorexie reverse ou bigorexie ou Body Dysmorphic Disorder concerne surtout des garçons qui ont l'impression de ne pas occuper suffisamment de place dans l'espace. Afin de pallier à ce sentiment, ils vont déclencher une addiction à la musculation afin de gonfler comme le crapaud de la fable de Lafontaine. Ce trouble est né dans les campus américains ou un certain nombre d'étudiants ne pouvait pas vivre et se déplacer sans leurs Haltères (4 à 12% des étudiants). Cette addiction est associée à la consommation de produits protéinés, de créatine ainsi que d'anabolisant stéroïdiens acheté sur des marchés parallèles. Dans certains cas, la consommation de testostérone a pu engendrer des troubles du comportement avec violence et agressivité sexuelle qui ont pu être reconnu en tant que facteur favorisant dans différents procès aux USA.

Les personnes qui en souffrent ne peuvent pas se passer de leur séance de musculation où quelles soient. Ce trouble est souvent associé à des troubles narcissiques et une dysmorphophobie. Il est particulièrement fréquent chez les bodybuilders[vi]. La presse fait souvent une confusion entre ce trouble et l'addiction à la course.

Addiction à l'activité physique

L'addiction à l'activité physique est une forme dépendance comportementale à l'effort aérobique que l'on retrouve surtout chez les coureurs à pied, sur tapis roulant et chez les cyclistes. Elle ne fait cependant pas l'objet d'une définition dans les classifications internationales. La fréquence de ce trouble varie de 10 à 80% dans ces populations. Il s'agit d'un besoin impérieux d'une activité physique qui conduit à une pratique intense pouvant provoquer des symptômes physiologiques (fractures de fatigues, etc) et psychologiques. Certaines personnes prédisposées trouvent du plaisir et un renforcement dans la pratique d'un exercice aérobique. Ils ressentent le besoin de courir tous les jours où qu'ils soient. De ce plaisir va naitre une obsession pour le sport, le besoin d'accomplir une activité sportive de plus en plus fréquente et de plus en plus intense. Leur vie sociale s'organise autour de ce besoin. Les symptômes de sevrage à l'arrêt de l'exercice sont la culpabilité, la dépression, l'irritabilité, la nervosité, la tension, l'anxiété et la léthargie. La pratique est à l'origine de croyance et de restrictions cognitives. Ce comportement physique est souvent associé à une orthorexie et une distorsion cognitive qui abouti à des modes plus ou moins compréhensibles comme courir les pieds nus quelle que soit la température. Il existe une comorbidité avec l'alcool, la dépendance aux drogues illicites.  De nombreux facteurs font l'objet d'hypothèses à cette addiction : prédisposition génétique, baisse des taux de leptines[vii], les systèmes opioïdes endogènes et le système de la récompense via le système dopimanergique et le noyaux accumbens. On retrouve plus fréquemment certains traits de personnalité comme le perfectionnisme, le neuroticisme et l'extraversion. En dehors d'un trouble alimentaire associé, cette addiction est rarement diagnostiquée car elle fait l'objet d'une bonne tolérance sociale.

Les troubles du sommeil

La pratique d'un entrainement intensif peut nuire à la qualité du sommeil et altéré l'humeur[viii]. Ce trouble peut être légèrement corrigé par l'absorption de glucides. La prise en compte d'un temps de récupération suffisant est nécessaire dans les programmes d'entrainement.

Le surentrainement

Le surentrainement est du à un excès qualitatif et quantitatif de l'effort physique. Il est à l'origine d'une fatigue chronique et d'une baisse des performances. Associés à ces signes on retrouve une modification du caractère habituel : irritabilité, troubles de l'humeur, des troubles du sommeil, anxiété, anorexie, etc. Le surentrainement de mande une évaluation de la charge de travail de l'athlète et une amélioration des techniques de récupération. Les calendriers trop chargés en compétition et les multiples voyages à l'étranger sont des facteurs favorisants au surentrainement.

 

[i] Lattanzio SB, Eikelboom R.: Wheel access duration in rats: I. Effects on feeding and running. Behav Neurosci. Jun; 117(3):496-504, 2003.

 

[ii] Dixon DP, Ackert AM, Eckel LA.: Development of, and recovery from, activity-based anorexia in female rats. Physiol Behav. Nov; 80(2-3):273-9 2003.

 

[iii] Ferreira A, Lamarque S, Boyer P, Perez-Diaz F, Jouvent R, Cohen-Salmon C.: Spontaneous appetence for wheel-running: a model of dependency on physical activity in rat. Eur Psychiatry. Dec; 21(8): 580-8, 2006.

 

[iv] Seznec J-C.:"Danse et troubles du comportement alimentaire", Médecine des arts, 18:32-40, 1996

[v] Barbé J., Seznec J-C: Danse classique et adolescence féminine : Quelques éléments concernant l'impact de la pratique sur les processus de maturation à partir de l'étude de sept jeunes filles. Ann. Med. Psycho. 161: 614-20

[vi] Karayama G et al : Body image and attitudes male roles in anabolic-androgenic steroid users. Am J Psychiatry, 2006 Apr; 163(4): 697-703.

[vii] Lichenstein et al : Exercise addiction in men is associated with lower fat-adjusted leptin levels. Clin J Sport Med. 2015 Mar;25(2):138-43.

 

[viii] Killer SC et al : Evidence of distrubed sleep and mood state in well-trained athletes during short-term intensified training with and without a high carbohydrate nutritional intervention. J Sports Sci 2015 Sep 25:1-9

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