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15 novembre 2016 2 15 /11 /novembre /2016 23:38

Le 8 novembre, les infirmières ont défilé. Les policiers manifestent régulièrement depuis quelques semaines. Les médecins l’ont déjà fait en 2015 à plusieurs reprises et le referont le 24 novembre 2016. Quant aux agriculteurs et aux enseignants, ils le font régulièrement. Qu’y a-t-il de commun dans le malaise de ces quatre professions ?

Ces quatre professions sont des piliers de notre société. Ils sont des repères de vie pour les citoyens. De ce fait, ils participent grandement à la paix sociale et à l’organisation d’un espace de vie. Pourtant, ces quatre métiers subissent la volonté de nos élites à les régenter qui n’aboutit qu’à une lente et inexorable dégradation de l’exercice de leur profession. Ces quatre professions font les frais d’une gestion chiffrée de leur métier et d’une absence de politique humaine et sociale. Il est frappant d’entendre des plaintes semblables lorsque l’une ou l’autre des professions s’expriment.

De ce fait, ils partagent la même évolution de leur métier, la même souffrance et le même sentiment. Ces quatre professions souffrent de la dérive administrative et industrielle de leur métier qui les spolie du sens de leur métier. Que cela soit un policier, un enseignant ou un médecin, ils ont le sentiment que l’objectif de leur profession est de répondre à des chiffres afin de satisfaire des statistiques décrétés par une administration déconnectée de la réalité du terrain. Toutes ces professions souffrent de la déshumanisation de leur travail qui aboutit à une souffrance au travail et à des burn out.

En France, les professions qui se suicident le plus sont ceux qui protègent, nourrissent, éduquent ou soignent. Ces métiers qui étaient autrefois nobles, reconnus et source de prestige sont devenus de simple rouage d’un Etat toujours plus froid et administratif. Cette dégradation est autant issue d’une politique de droite que de gauche. Cette déconsidération est le fruit d’une violence administrative. Cette violence est reprise par une partie de la population qui ne se gêne plus pour agresser ces professionnels. A Chatellerault un médecin généraliste s’est fait récemment violemment agressé par un patient, les urgences de l’hôpital de Tourcoing ont fait l’objet d’une violente attaque. Les policiers sont de plus en plus la cible d’agression et de guet-apens tout comme les enseignants. Quand l’Etat violente et déconsidère une profession, elle ouvre le droit aux usagers d’en faire de même. Les faits divers en font la preuve. La relation humaine qui fait l’essence de ces métiers disparaît progressivement pour une relation de consommation et de revendication. La conséquence de cela est que de moins en moins de médecins veulent exercer en libéral. Le médecin de famille est en voie de disparition. Il est de plus en plus difficile de motiver des jeunes à devenir enseignants, agriculteurs ou policiers. On les comprend : comment vouloir devenir le punching ball d’une société qui ne les aiment plus?

Toutes ces professions sont désespérées car elles ne trouvent aucun espoir dans le présent et dans l’avenir que leur promet les prochains candidats aux élections présidentielle. Alors si ces métiers essentiels à l’équilibre républicain continuent à s’écrouler, c’est la porte ouverte à une vague de violence qui a déjà commencé et à des comportements extrémistes. Le philosophe Bernard Stiegler, dans ses ouvrages, a très bien démontré que la montée du Front National est directement lié au sentiment de déconsidération que vivent les citoyens. N’est-ce pas le même sentiment qui a fait élire Donald Trump par une population se sentant exclues et par une autre qui a choisi de s’abstenir à défaut de se sentir considérer et écouter par les politiques ?

La colère sur le terrain est grande. S’il n’y a plus de médecins, de policiers ou d’enseignants pour écouter et accompagner les citoyens, un immense sentiment de solitude et d’abandon risque de gagner la population dont les réactions risquent d’être terrible.

 

JC Seznec co-auteur de «Médecine en danger, qui va nous soigner demain ? » Edition First

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