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A l’émission La bande originale sur France Inter, à l’occasion de la sortie de mon dernier livre « Lettres d’un père à son ado » et de la nouvelle série de Mickael Youn, Nagui m’a posé comme question sur ce qui était spécifique dans les relations père-fille.
Tout d’abord, celle-ci a évolué avec l’évolution des mœurs. Le rôle des pères, des mères, des fils et des filles est aujourd’hui beaucoup moins genré. Il est plus adapté de parler de relation parent-enfant. Les comportements et les postures féminines ou masculines sont distribués dans les deux sexes ce qui enrichit les échanges et les possibilités.
Pour commencer, au fil du temps, la relation parent enfant a évolué en une relation cadrante et non dominante. Par contre, la relation Père-Fille demande à ce que le père soit au clair sur sur sa relation aux filles en générale et comment il placera la sienne dans la communauté des femmes avec tout le respect nécessaire.
Deuxièmement, un adolescent est un jeune qui a trois chantiers à mener de front : son chantier intérieur, un corps en évolution et son chantier sociale. Le père en étant le premier représentant des « autres » aura, par son attitude, une influence sur la mise en place de ces trois chantiers afin qu’ils se fassent dans la confiance et l’amour de soi. Plus particulièrement chez les filles, l’impact émotionnel des échanges peut avoir de lourdes conséquences. Le père a de ce fait un rôle important pour sécuriser l’intériorité de sa fille dans sa façon d’être et d’échanger avec elle. La stabilité du père fera le contrepoids de l’instabilité de ces trois chantiers.
Par sa présence solide, non jugeante, encourageante, le père, entre une posture de phare qui indique les dangers et la direction à prendre et celle du sherpa qui accompagne, tout en marchant au même rythme que son adolescent, aidera sa fille à construire sa confiance en elle et sa solidité. Son rôle est de ne pas rater une occasion de faire du renforcement positif, selon le modèle skinnérien, à travers de petits mots égrenés au fil du temps : c’est super, bravo à toi, tu es merveilleuse, tu es une championne, tu es très belle ainsi, etc. Dans ce relationnel, le père a à négocier une crête difficile en essayant de ne pas être absent à son adolescente tout en n’étant pas libidineux dans son attitude et ses propos, face à une jeune femme en construction intérieure et extérieure, au risque de la blesser et de la fragiliser.
Le père, en étant d’un sexe opposé, il dit à sa fille, je suis présent à toi dans une relation d’altérité et je t’autorise à exister par toi-même. Je cadre ma présence en fonction de ton évolution et je construis ta sécurité intérieure en te permettant d’expérimenter de nouvelles expériences et de muscler ta liberté d’être.
J’encourage les pères à construire des moments privilégiés père-fille (sortie, activités, déjeuners, etc.) alors que les familles sont de plus en plus instables et fragilisées, notamment dans les familles recomposées. Ces têtes à têtes permettent de dire à son adolescent toute la considération qu’à le père pour son enfant, de mettre en avant ce lien d’amour précieux et unique indénouable malgré les aléas de la vie. Parler à son adolescente permet de construire une altérité qui n’est pas celle entre la mère et la fille plus en miroir, utile par ailleurs, et lui apprend à s’autoriser à être en relation avec un autre, le père représentant le premier « autre », à pouvoir s’asseoir ensemble l’un à côté de l’autre, ni dans position verticale de domination et ni dans une relation horizontale de séduction, mais dans un échange d’équité.
Dans cet apprentissage à devenir une adulte, le père a aussi un rôle de mouche du coche en jouant à être parfois « gênant », selon le mot à la mode aujourd’hui, dans la limite du respect, afin d’apprendre à son adolescente à négocier l’inconfort émotionnel et être capable de sortir de sa zone de confort et de s’aventurer dans une vie pas toujours contrôlable qui demande des capacités d’adaptation et de répartie. Il développera quelques blagues nulles de papa et alimentera une théâtralité pour permettre à sa fille de ne pas s’enliser dans de l’importance.
Cette relation père-fille influence l’estime de soi qu’aura cette future adulte et sa confiance en elle. De ce fait, elle influencera la façon dont cette jeune femme s’engagera dans ses relations amoureuses futures. Son père lui servira de modèle dans ses relations avec les hommes. Un père protecteur mais non autoritaire aide sa fille à établir des relations saines, tandis qu’un père distant ou absent peut être corrélé à des relations instables ou à une dépendance affective accrue. Des recherches ont montré qu’un père impliqué permet aux filles d’avoir de meilleures performances scolaires et une plus grande ambition professionnelle. Un père encourageant la curiosité intellectuelle et l’autonomie facilite l’épanouissement académique et professionnel. Un père trop strict ou trop permissif peut créer des déséquilibres dans la construction psychologique de sa fille. L’idéal se trouve dans un équilibre entre affection et encouragement à l’indépendance. L’absence du père, qu’elle soit physique (abandon, séparation) ou émotionnelle (père distant), est souvent associée à des troubles affectifs, des difficultés relationnelles et une tendance accrue aux comportements à risques chez certaines filles.
Pour conclure, la relation père-fille est un facteur déterminant dans la construction de l’identité féminie, de l’autonomie et des relations interpersonnelles. Un père qui établit une relation basée sur la confiance, l’amour et l’encouragement aider sa fille à devenir une femme épanouie et indépendante.