La Pandémie du Covid est un tsunami qui bouleversé notre façon de vie. La vie ne se pas jamais comme, on le prévoir. L’arrivée de ce virus et les bouleversements qu’il a induit était inimaginable jusqu’alors. Cette pandémie nous a demandé brutalement de faire le deuil à notre façon de vivre (activités, loisirs, etc.), elle a modifié notre façon de travail avec l’éclosion majeure du télétravail et modifié nos relations sociales du fait des gestes barrières. Pour l’homme grégaire que nous sommes, ces changements brutaux sont sources de souffrances. Le COVID est à l’origine d’une crise sanitaire, sociale et économique qui demande à chacun de la flexibilité psychologique et de trouver des ressources intérieures pour s’adapter. De nombreux citadins ont choisis de partir vivre en province, des activités professionnelles ont été stoppés (artistes, restaurateurs, stagiaires, etc.), d’autres ont dû apprendre à faire différemment (étudiants, enseignants, etc.). Enfin, d’autres se sont laisser prendre par la peur, la théorie du complot ou font les trolls sur le net, jamais content, pour purger leur anxiété dans l’agressivité.
Pour permettre de s’adapter, continuer à vivre tout en donnant du sens à la vie d’aujourd’hui, il est nécessaire de développer des compétences psychologiques que l’on retrouve dans la thérapie ACT (Acceptance et Comittment Therapy) pour savoir choisir ses comportements et se rapprocher de ce qui compte pour soi.
Canelle : Au fur et à mesure que le confinement et les gestes barrières continuaient, ma vie se résumait à métro – boulot -dodo. J’avais l’impression de vivre dans le film Fritz Lang Métropolis. La joie a disparu de ma vie. Soit j’étais à la maison toute la journée en télétravail, soit je courrais le soir pour rentrer à la maison avant le couvre-feu. Ce n’est pas vivre, cette vie. J’ai décidé de mettre les voiles pour partir dans une ville à taille humaine, où mon travail n’est pas pas la seule chose qui remplit ma journée, où j’ai le temps de jouer avec mes enfants, discuter avec mes voisins, faire, du jardinage, bricoler. Vivre quoi !
Des thérapies en constante évolution
C’est à la fin du XIXe siècle que le terme de « psychothérapie » est employé pour la première fois : Hippolyte Bernheim, professeur de pathologie interne à Nancy, souligne alors l’effet thérapeutique de la relation médecin/malade.
Les premières approches psychothérapiques ont été centrées sur la construction d’un espace de parole et d’un lien thérapeutique, et visent notamment à révéler au patient les conflits inconscients dont il souffre, pour l’amener à changer son organisation psychique. Des approches focalisées sur ce qui peut être objectivé, à savoir les comportements, leur ont rapidement succédé, en trois grandes vagues :
La première, dite comportementale, s’est étalée de 1950 à 1980). Elle a visé à substituer à un comportement inapproprié un autre qui soit plus adapté, en tenant compte des conséquences (on parle de conditionnement opérant) ;
La seconde vague, dite cognitiviste, a s’est étendue de 1980 à 1990. On s’est alors intéressé aux croyances négatives et aux pensées automatiques et dysfonctionnelles qui sont à l’origine de comportements inadaptés ;
Enfin la troisième vague est en cours. Elle regroupe une grande famille de thérapies dont la pleine conscience (mindfulness), la FAP (functional analytic psychotherapy, ou psychothérapie basée sur l’analyse fonctionnelle), ou encore l’ACT : toutes cherchent à prendre en compte les émotions, en intégrant les acquis des autres psychothérapies et en se concentrant sur l’instant présent.
Ajoutons que les thérapies cognitivo-comportementales, ou TCC, ont fait l’objet d’une évaluation au début des années 2000, de même que les thérapies psychanalytiques. Ce travail de synthèse a mis en évidence des résultats variables selon les troubles envisagés : les TCC se sont notamment révélées efficaces dans la prise en charge de la schizophrénie (stabilisée en ambulatoire et avec médicaments), de la dépression, du trouble panique, du stress post-traumatique, des troubles anxieux, de la boulimie, des troubles de la personnalité ou encore de la dépendance à l’alcool. L’ACT a quant à elle fait l’objet d’un certain nombre d’études mettant en avant son intérêt.
Les recherches en psychologie et les savoirs progressant, les techniques de psychothérapie évoluent. Parmi les plus récentes d’entre elles la thérapie d’acceptation et d’engagement (en anglais acceptance and commitment therapy, ou ACT) – une thérapie comportementale et cognitive qui met en pratique la théorie des cadres relationnels – est aujourd’hui en plein essor.
L’ACT, principes et objectifs
Développée par les psychologues américains Kelly Wilson, Steve Hayes et Kirk Strosahl, l’ACT vise d’abord à améliorer notre flexibilité psychologique, c’est-à-dire la capacité d’être en contact avec les émotions et les pensées du moment présent et d’être capable de générer des intentions cohérentes avec soi.
L’ACT est une thérapie comportementale. Pour y parvenir, elle s’appuie sur l’analyse des comportements selon le modèle ABC (antecedent, behavior, consequence). Contrairement aux autres TCC, cette thérapie ne cherche pas à faire adopter de nouveaux comportements par le biais de l’expérience (apprentissage pavlovien, opérant ou vicariant), mais par le biais du langage, dans une conversation clinique. Elle utilise le langage pour construire de nouvelles relations (théorie des cadres relationnels) et servir de levier au changement.
En pratique, l’ACT met l’accent sur l’instant présent en connectant les comportements à des valeurs de vie qui peuvent être incarnées à tout moment. En effet, par définition, le passé est passé et on ne peut plus agir dessus. En outre, avec le temps nous avons tous des casseroles plus ou moins douloureuses dans notre arrière cuisine. Le futur, nous ne le connaissons pas, sinon nous jouerions tous au loto. Le seul temps, où l’on peut agir est le présent, riche de ce que l’on a appris de nos expériences passées pour s’y engager avec bonne volonté et jardiner un futur.
Elle porte également l’attention du patient sur les pensées, émotions, et sensations physiques.
On construit aussi une boussole de vie, constituée de nos valeurs, de ce qui est précieux dans notre vie et de ce qui fonctionne pour nous, pour s’orienter dans le présent et choisir le comportement que nous aurons pour négocier ce présent. Cette boussole est propre à chacun. La façon dont on l’utilise dépend aussi des circonstances qui entourent l’action. De ce fait, on développer chez le patient des capacités de flexibilité, à la fois sur le plan de l’attention et des comportements.
Par exemple Natacha était ravie de télétravailler. Elle arrivait mieux à se concentrer et était moins déranger. Quant à Edouard, il a préféré rester sur son lieu de travail. Le cadre, croisé des collègues, étaient nécessaires pour maintenir son moral et son envie. Liliane adore jardiner car lorsqu’elle le fait, elle sent qu’elle se détache d’un mental envahissant pour être simplement avec ses plantes.
Il y a néanmoins un obstacle à dépasser. À savoir, l’évitement comportemental ou émotionnel induit par une expérience douloureuse. On peut en effet chercher à échapper à ce qui nous stresse sur le court terme (qu’il s’agisse de pensées, d’émotions, de sensations physiques), sans tenir compte des conséquences négatives sur le long terme. De fait, l’ACT ne vise pas à modifier la fréquence, la forme, ou l’intensité des expériences psychologiques douloureuses pour le patient, mais plutôt à intervenir sur les multiples moyens déployés pour les éviter.
Yasmine grignote le soir lorsqu’elle est fatiguée (évitement de la sensation physique de fatigue). Lola ressent le besoin de fumer régulièrement au travail lorsqu’elle sent la tension montée (évitement de la tension intérieure). Maxime ressasse toute la soirée de peur d’avoir fait mal à son travail (évitement de la pensée : je suis nul). Georges travaille sans compter pour ne pas penser et pour avoir le sentiment d’être à la hauteur. Géraldine s’apprête toujours avec soin et ne rate pas une occasion de faire plaisir (évitement de la pensée est-ce qu’ils aiment, qu’est-ce qu’ils pensent de moi, etc.)
L’Hexaflex : six axes de travail
Pour développer la flexibilité, le travail de l’ACT s’effectue donc selon six grands axes (d’où le nom d’Hexaflex), sans ordre préférentiel :
- Le contact avec le moment présent : le patient est invité à observer en temps réel ce qui l’entoure, ce qu’il pense, ce qu’il ressent, depuis une perspective neutre et accueillante.
- La défusion cognitive : il s’agit d’envisager les pensées ou émotions comme des phénomènes psychologiques différents des expériences réelles, pour s’en libérer.
- L’acceptation : au contraire de l’évitement, le patient laisse aller et venir les pensées, émotions, sentiments ou souvenirs, en vue d’accepter ce sur quoi il n’a pas le contrôle pour le négocier au mieux, sans se laisser submerger.
- L’observation de soi : elle consiste à distinguer le soi observateur du soi pensant, à observer les évènements psychologiques selon différentes perspectives.
- Les valeurs : le patient doit découvrir ce qui compte le plus à ses yeux, pour construire une boussole de vie qui orientera ses actions.
- Les actions engagées : il s’agit de se maintenir en mouvement vers ses valeurs par un ensemble d’actions, et d’en assumer les conséquences, c’est-à-dire les risques et les coûts.
Le déroulement d’une séance
Lors d’une séance, le thérapeute navigue d’un point à l’autre de l’Hexaflex en usant d’observations et de métaphores, parfois très ludiques, pour contourner les éventuels effets néfastes du langage. Ces métaphores, parfois humoristiques, permettent de construire des nouvelles relations, et d’apprendre des nouveaux comportements, sans s’en rendre compte. En effet, lorsque l’on a vu un mécanisme, on ne peut plus ne plus le voir.
Exemple : apprendre à faire la différence entre ce qui est grave (mortel ou handicapant) avec ce qui est embêtant, dérangeant, désagréable, frustrant, gênant, etc. Cette distinction est intéressante car notre cerveau émotionnel, initialement programmé pour notre survie, réagit particulièrement lorsqu’on lui dit que telle ou telle situation est grave. A nous de voir si on choisit des mots, pour décrire une situation, qui vont le réveiller ou non…
Pour aider son patient à se repérer dans ses ressentis et ses comportements, il peut positionner ces derniers sur la matrice Hexaflex, et développer la technique de l’« aïkido verbal », avec des séries de questions du genre : que percevez-vous à travers vos cinq sens ? Quels hameçons pouvez-vous remarquer ?
Les réponses sont positionnées dans la matrice, ce qui permet au patient de se repérer et de faire la part des choses entre ce qui se produit en lui, ce qu’il perçoit, et ce qu’il décide de faire. Il développe ainsi des compétences de pleine conscience, de flexibilité, donc de choix.
Modèle ACT de la matrice pour observer l’intention de ses comportements. Author provided
La séance procède ainsi par étapes pour le patient :
- Observer et considérer ses ressentis, attitudes et comportements ;
- Choisir d’effectuer de nouveaux comportements ;
- Observer comment fonctionne ce choix ;
- Choisir à nouveau, et ainsi de suite, en développant un apprentissage lié à l’expérience de ce qui fonctionne et en observant ce qui bloque.
Penser ce que l’on va (se) dire. (Se) dire ce que l’on va faire. Faire ce que l’on a pensé. Voilà qui résume le processus engagé lors d’une séance, qui se poursuivra et évoluera sans fin. D’une manière générale la durée d’une thérapie ACT est assez brêve, même si elle peut varier en fonction du contexte de chacun.
Face à un vécu intérieur douloureux ou inconfortable, l’individu peut choisir d’éviter ce ressenti à travers un comportement comme fumer ou manger. Le problème est que cet évitement fonctionne très bien à court terme, mais pas à long terme. En effet, une fois l’effet estompé, la personne se retrouve à nouveau au contact de ce vécu intérieur, au risque de répéter cet évitement et tomber dans l’addiction. Au risque, aussi, de s’éloigner de valeurs qui comptent pour elle comme la liberté, le respect, le fait de prendre soin de soi, etc.
Dans un tel contexte, l’ACT vise à aider les individus à apprendre à reconnaître les comportements qui fonctionnent pour eux-mêmes et pour les autres. Une compétence qui peut s’avérer utile à tout moment de la vie… Notamment en cas, de crise, où il est nécessaire de posséder une agilité pour s’ajuster à un monde incertain.
Conclusion
Alors que changer semblait difficile jusqu’alors, de nombreuses personnes ont changé radicalement de façon de vivre pour renouer à ce qui comptent pour eux. On a observé un retour à la nature, à l’agriculture avec le développement de projet de permaculture, aux travaux de mains (coutures, patisseries, etc.), le développement des circuits courts. Les anonymes des grandes villes se sont mis à parler et échanger avec leurs voisins dans leurs nouveaux logements de province.
Laurent : Pendant des années je ne connaissais pas mes voisins, dans mon immeuble, à Paris. Depuis que je vis, perdu dans la campagne, en Anjou, je connais et discute avec tous mes voisins qui sont à 2 – 3 km de chez moi.
Isabelle Graphiste : J’ai constaté que je dépérissai à Paris, faute de clients et fautes de lieux culturels, où me rendre pour m’inspirer. Je suis venu en Bretagne pour monter un projet de permaculture au sein d’un éco-lieu. Je vis de choses plus simples mais pour la première fois de ma vie, je me sens alignée avec moi-même.
Abdel, consultant : J’en avais marre d’être enfermer à Paris. Le premier confinement a été infernale entre le télétravail et les enfants à la maison. Nous avons vendu notre maison en région Parisienne et nous sommes partis vivre en Normandie, où nous avons acheté une maison. Je loue un studio à Paris ce qui me permet de revenir travailler deux jours par semaine au cabinet.
Toute crise passe une acceptation de ce qui se présente à nous, de définir ce qui compte pour nous et comment nous en rapprocher en fonction de ce qui compte pour nous.
Nous sommes passés tous à l’ACT, sans vraiment le savoir, pour se rapprocher de ce qui compte pour nous : écologie, humanisme, prendre soin de soi, etc.