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30 janvier 2020 4 30 /01 /janvier /2020 14:49

Sarah Abitbol, 44 ans, a parlé ce jeudi 30 janvier sur France Inter a propos des abus sexuels qu’elle a subi de l’âge de 15 à 17 ans par son entraineur, Monsieur O. Elle l’appelle Mr O car elle n’a pas la force de prononcer son nom à la suite du traumatisme qu’elle a subi. Elle a consigné chacun d’entre eux dans un carnet et elle peut enfin en parler à travers un livre « un long silence » , qu’elle co-signe avec Emmanuelle Anizon. Son témoignage est terrible par la violence de ce qu’elle a vécu et par les conséquences psychologiques dont elle dit encore souffrir.  Il est aussi terrible car il met en lumière les insuffisances et les complaisances d’un milieu sportif qui ne prend pas encore pleinement la mesure de ces drames et les moyens de prévention nécessaires.

Le monde du sport est en effet un lieu de vulnérabilité pour les abus sexuels.

  • En effet, les jeunes enfants rentrent très tôt dans la filière du haut-niveau, particulièrement dans la gymnastique, le patinage artistique et le tennis.
  • Ils sont très vite coupés de leur milieu familial, de leurs amis et de leur village social pour être élevés afin de devenir les champions de demain.
  • Il se construit bien souvent une relation fusionnelle avec un entraineur qui est là pour les transformer et les magnifier. Cet entraineur est à la fois leur mentor, celui qui va leur faire atteindre le Graal et dont ils dépendent, la seule personne repère pour se rassurer et celui qui peut, du jour au lendemain, les éjecter du système.
  • Pour construire le geste sportif, l’entraineur devra nouer une relation tactile avec la jeune personne afin de la guider dans son apprentissage.
  • Ces jeunes n’ont pas toujours la conscience et la maturité pour savoir ce qui se fait ou ne se fait pas. Ils n’ont pas toujours de lieu de communication pour partager un ressenti qu’ils ne savent pas toujours identifier du fait de leur jeune âge.
  • Le sentiment de honte et la peur que leur inspirent ces agressions musellent leur parole. Le révéler leur fait peur et, n’ayant pas encore appris à négocier leurs émotions, ils ont peur de la peur, ce qui les bloque.
  • Les filles sont particulièrement vulnérables aux prédateurs. Elles sont plus dans la relation que les garçons et recherche plus un réconfort relationnel dans le stress. Les criminels savent manipuler ce caractère pour en abuser.
  • Les sports individuels sont plus propices à ces abus car la présence des autres enfants est moins importantes. On est plus seul et vulnérable que dans les sports d’équipe ou le groupe protège un peu plus.

Ces abus sexuels touchent les garçons comme les filles. Les abuseurs peuvent être des femmes comme des hommes même si la prédominance masculine dans la population des entraineurs en fait le plus grand nombre de criminels.

Ce n’est pas la première histoire d’abus sexuel dans le sport. Auparavant, Isabelle Demongeot a déjà écrit un livre sur ce qu’elle a vécu dans le tennis. Tout récemment, il y a eu de nombreuses affaires qui ont été révélées aux USA dans la gymnastique.

Ce type de dérapage est d’autant plus possible que certains entraineurs sont dans des reconversions difficile : deuil de leur carrière sportive, insécurité financière et statutaire, eux-mêmes ont subit parfois des violences sexuelles, désir d’accomplissement par procuration, etc.

Quand aux parents, il est parfois difficile de dénoncer ses pratiques :

  • Ils ont surtout envie de sortir leur enfant de ce milieu maltraitant
  • Difficulté à surmonter l’épreuve d’aller à la police pour dénoncer le crime
  • Culpabilité de ne pas avoir été à la hauteur pour prévenir et protéger leur enfant
  • Deuil difficile de leurs espoirs de succès sportifs et du cout que cela a engagé
  • Etc.

Cependant, le contexte a changé. Cette dernière année, nous avons eu le phénomène #metoo, le témoignage d’Adèle Haenel, les affaires de l’église catholique, le clip d’Angèle « Balance ton… et le livre sur le consentement de Vanessa Springora. Il n’est plus possible de se voiler la face, face à ces crimes et devant les mesures de protection nécessaire à prendre. Les instances sportives ont des obligations morales :

  • Former les entraineurs et cadres sportives sur les relations adéquates dans l’exercice de ses fonctions.
  • Mettre en place un plan de prévention des risques comme dans les entreprises
  • Evaluer régulièrement le plan de prévention et ses résultats sur le terrain.
  • Informer et former les jeunes sportifs sur leurs droits, la gestion émotionnelle, la capacité à faire appel et à identifier les ressources à leur disposition.
  • Apprendre le principe du consentement à toute personne dans une organisation
  • Mettre en place un d’écoute et d’expression.
  • Professionnaliser les pratiques.
  • Sortir des relations duelles entraineurs/sportifs source de dépendance, de fusion et de risque dérapage.
  • Imposer que ce sujet face partie de l’évaluation longitudinale obligatoire chez les sportifs de haut-niveau.

 

Il est urgent de moderniser les structures sportives pour que plus jamais de tels actes puissent avoir lieu.

 

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