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8 juillet 2015 3 08 /07 /juillet /2015 15:34
Le sport, un spectacle comme un autre?

Que reste-t-il du sport?

Le sport moderne est né au début du XXième siècle. il s'agit d'une activité sociale contextuelle liée à l'industrialisation de notre société. Le sport est le miroir de cette société. Or au cours des année 1980, la société a muté. la société industrielle est devenue la société du spectacle. Au cours de cette révolution sociétale, avec l'apparition de nouveaux paradigmes, le sport a perdu sa mythologie. En effet, le sport de Coubertin donnait la possibilité à un simple mortel dans le stade, sous le regard e l'agora, de devenir un héros ou un demi-dieu. C'est en effet le regard du peuple qui adoubait tel ou tel sportif après une victoire. Cet adoubement permettait au vainqueur de redistribuer ses cartes sociales. Cette reconnaissance était une deuxième chance de vie afin de changer de caste sociale. Ainsi, le sportif portait l'espoir d'un peuple en lui signifiant que rien n'étai définitif. Cette mécanique offrait à chacun la possibilité de sortir de son destin familial. Par exemple, le cyclisme permettait autrefois aux coureurs bretons de sortir du destin du père.

Les sportifs suivent la logique des chevaliers. J'ai pu en effet constater lors de mes interviews de cyclistes que j'ai effectué lors d'un rapport sur l'état du cyclisme pour le compte de l'UCI que lorsque l'on demande à un athlète de se présenter, il ne fait qu'égrener ses trophées. Il va de tournoi en tournoi pour fortifier son blason et son nom. Son identité est celle des épreuves franchies qui lui donnent une légitimité et un statut. A la suite de la révolution sociétale que je viens d'évoquer, le sport est devenu un spectacle et fonctionne désormais comme les règles de la téléréalité, mais le scénario est induit par la pression que le business sportif impose aux acteurs. On y observe des histoires romanesque : la naissance d'un héros qui touchent le domaine des dieux pour mieux ensuite retomber. Plus le héros est improbable et plus il est adulé, comme Franck Ribéry avec sa gueule cassée, Alain Giressse autrefois pour sa petite taille. Ensuite, il chute afin de nous rappeler qu'il est un être humain comme nous, ce qui nous rassure et nous empêche de le jalouser et nous permet de passer à un autre héros dans une consommation de rêves organiser par l'industrie du spectacle sportif. Franck Ribery a chuté avec Zahia et la coupe du monde en Afrique du sud. L'affaire Oscar Pistorius est l'exemple de l'instrumentalisation d'un homme par la société du spectacle. Il est à la fois assez proche de nous pour que nous puissions nous identifier à lui et juste assez loin pour pouvoir être soulagés de ne pas subir le même destin tragique.

Par ailleurs, les besoins économiques organisent la mise en scène et influent les règles du jeu

Les athlètes, des artistes?

Les athlètes sont-ils encore des athlètes ou dorénavant des artistes? Si c'est le cas, il peut être difficile de leur demander de rester exemplaire alors que de nombreux artistes vivent une vie rock'n'roll faite de substances. Est-ce que cette évolution est un mal? Faut-il faire le deuil d'une société révolue pour se jeter dans l'ère du spectacle?

La question et la réponse sont compliquée. Oui, les athlètes participent désormais à des spectacles sportifs. Les jeux olympiques ou les coupes du monde sont organisés comme tels. Pourtant sont-ils des artistes? Si c'est le cas, pourquoi leur interdire de prendre des substances puisque l'on n'a pas interdit à Janis Joplin, Jim Morrison ou tout autre artiste de prendre de la drogue. IL n'existe pas de contrôle antidopage avant de monter sur scène ou de produire une toile ou de participer à une performance et même avant de faire un discours politique (on aurait probablement de drôle de surprise!). On demande aux sportifs d'être les héros d'une société qui, elle, ne se prive pas d'abus. On leur demande d'être des anges et les gardiens de notre humanité alors que la population ne se gêne pas pour consommer toutes sortes de drogues et se livrer à des comportements discutables. Les étudiants, les conférenciers ou les musiciens prennent des bêtabloquants ou d'autres produits pour réussir leurs examens ou leurs oraux alors que l'on demande aux sportifs de ne pas le faire. On exige du sportif qu'il participe à des contrôles antidopage et qu'il pratique une évaluation psychologique annuelle alors que l'on ne demande pas aux politiques et aux fonctionnaires qui nous gouvernent de le faire malgré leurs importantes responsabilités. En outre, les politiques participent à des compétitions : les élections. Pourtant certains comportements peuvent nous faire penser qu'ils ne sont pas toujours aptes ou "clean". Pourquoi les psortifs devraient être plus "clean" que les politiques et que les artistes?

La question est mal posée. Comme le dit l'aphorisme, ce n'est pas parce que quelqu'un se jette par la fenêtre que l'on doit faire la même chose. Il est possible d'avoir du discernement et donner à chacun les moyens de se protéger à certaines dérives .Les sportifs ont une responsabilité médiatique puisqu'ils sont l'objet d'une identification majeure notamment par la jeunesse. Ce qui est gênant, c'est que l'environnement fait tout pour conduire les psortifs à dépasser la ligne jaune tout en leur interdisant en dernière instance. Le système est pervers et il es tdifficile pour les sportifs de maintenir une éthique au risque d'être exclus du jeu sportif. Le spectacle sportif ne répond pas aux critères de l'art. Beau sujet de philosophie au bac : le sport est il un art? Il n'y a pas de création, ni de questionnement no tous les autres éléments nécessaires à la définition de l'art même si ce spectacle nous procure de l'émotion et même si depuis l'urinoir de Marcel Duchamp, il est facilement possible de décréter que n'importe quoi est de l'art. De la même manière, les acteurs de la téléréalité ne sont pas reconnus comme des artistes, les sportifs sont des employés ou des artisans du spectacle sportif, mais pas des artistes. Certains s'approchent de la condition d'artistes par leur virtuosité et par la beauté de leur performance, mais c'est la conséquence de leur travail et de leur talent, et non leur état social. L'exemplarité qu'on leur demande est difficile à tenir.

Sport et média

La responsabilité en incombe aux médias et à la société du spectacle, qui instrumentalisent et vendent la mythologie du sport au public alors que le sport n'a plus rien à voir avec ces valeurs. Lorsque j'ai interrogé pour l'étude de l'UCI de jeunes sportifs, ils avaient le sentiment de faire du sport mais les professionnels disaient qu'ils étaient passés brutalement dans le showbiz et que cela n'avait plus rien à voir avec le vélo de leur jeunesse. Les médias et les sponsors s'appuient sur ces valeurs, car c'est un bon levier marketing pour guider le spectateur mouton.

Le spectacle sportif est devenu semblable à certains sites qui ne sont plus des villes mais des lieux-musées pour tourisme, comme le Mont Saint-Michel ou la ville close de Concarneau. On y va pour consommer une image qui n'a plus rien à voir avec la réalité sociale de ce qui en reste. La fonction de ces villes n'est plus d'être un lieu de vie, mais un lieu de spectacle pour le touriste, comme la fonction du sportif n'est plus de se réaliser et d'être, mais de satisfaire le spectateur pour qu'il consomme du produit sportif assaisonné de publicité. Les médias ont transformé le monde en parc Disney. Le sport est un des éléments de la grande parade.

La télévision est largement en cause. Elle happe l'attention du spectateur dans l'instant. La télévision est l'opium du peuple de notre époque. Avide du spectacle immédiat, le spectateur en oublie l'histoire. Il est devenu un voyeur du sport-réalité mis en scène. Il balaie ses anciens héros et efface de sa mémoire les histoires sportives troubles qui viennent entacher son plaisir avide de consommation.

La chute du sport est aussi un spectacle

Il est fascinant d'observer que chaque année lors du Tour de France, on s'offusque de la situation du dopage comme si on la redécouvrait. En 2013, les sénateurs ont produit un nouveau rapport pour alerter l'opinion. Avec mon entreprise, AlteRHego, j'ai effectué, voilà plusieurs années, un travail sociologique, psychologique anthropologique de plus de six mois sur le vélo à la demande de l'UCI comme personne ne l'avait jamais fait autour d'un sport à la demande d'une fédération internationale. Ce travail a couté beaucoup d'argent et a mobilisé cinq chercheurs à temps plein pour aboutir à des préconisations pratiques. Ce travail considérable n'a jamais été repris ni mis en œuvre par l'UCI pour se dédouaner des critiques dont elle fait l'objet chaque année. Ce travail a été principalement effectué en France. Pourtant, la FFC l'a traité avec le plus profond mépris en dépit des préconisations pratiques proposées qui offraient des pistes d'évolution sans être dans le jugement. Alors chaque année, j'observe que l'oublie le rapport précédent, pour pousser des hauts cris et rendre un autre rapport comme celui des sénateurs en 2013 sans tenir compte des rapports précédents. Chaque année, on assiste à la même théâtralité comme une comédie de boulevard avec les méchants sportifs, les experts qui défilent avec les pourfendeurs du dopage tout en s'arrangeant pour que rien ne change véritablement et pour pouvoir rejouer le même spectacle politique l'année suivante. Celui qui paie de ce triste spectacle est le sportif qui y laisse sa santé ou qui en perd la vie comme Pantani.

références :

Jc Seznec :"J'arrête de lutter avec mon corps", ed Puf

Jc Seznec et al : Act, applications pratiques", Ed Dunod

F. Thomazeau : "L"imposture du sport". Ed First document

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